Isabelle PECH LAGARDE

Office Notarial Résidence Cap Wilson à Toulouse

S’il existe un vice caché, le vendeur ne peut pas être condamné pour défaut de délivrance

10 janvier 2022

Après avoir constaté que le défaut du bien vendu rend celui-ci impropre à sa destination, le juge ne peut pas condamner le vendeur à indemniser l’acheteur pour manquement à son obligation de délivrer un bien conforme à ce qu’ils étaient convenus.

Après avoir acquis un local à usage professionnel faisant partie d’un programme immobilier, l’acheteur se plaint des désordres affectant le plancher et poursuit le vendeur sur plusieurs fondements : la garantie des vices cachés, le défaut de délivrance d’un bien conforme et le dol.

La cour d’appel de Montpellier condamne le vendeur à verser 20 000 € de dommages-intérêts à l’acheteur pour manquement à l’obligation de délivrance en se fondant sur le raisonnement suivant : le défaut de portance du plancher rendait le local à usage d’atelier impropre à sa destination ; le dol du vendeur n’était pas prouvé ; la clause d’exclusion de la garantie des vices cachés devait s’appliquer ; l’acheteur invoquait, à titre subsidiaire, le défaut de délivrance conforme à sa destination du local à usage d’atelier.

La Cour de cassation censure cette décision. En effet, lorsque le défaut qui affecte le bien vendu le rend impropre à son usage normal , l’action en garantie des vices cachés constitue l’unique fondement possible de la demande de l’acquéreur.

à noter : Application classique de la distinction entre l’obligation de délivrance (C. civ. art. 1604), c’est-à-dire l’obligation, pour le vendeur, de fournir un bien conforme à ce qui a été convenu, et la garantie par lui des vices cachés , applicable aux vices qui rendent le bien vendu impropre à l’usage auquel il est destiné (C. civ. art. 1641 s.).
Lorsque le défaut affectant le bien vendu constitue à la fois un défaut de conformité et un vice caché, seule l’action en garantie des vices cachés est ouverte à l’acheteur (notamment, Cass. 3e civ. 24-4-2003 no 98-22.290 FS-PB : RJDA 8-9/03 no 826 ; Cass. 3e civ. 20-10-2010 no 09-68.052 FS-D : RJDA 2/11 no 125, excluant que le défaut soit sanctionné sur le terrain d’un manquement à l’obligation de délivrance ; Cass. com. 19-3-2013 no 11-26.566 FP-PB : RJDA 7/13 no 595, excluant la mise en œuvre de la responsabilité contractuelle de droit commun prévue par l’ancien article 1147, devenu l’article 1231-1, du Code civil).
S’il relève l’existence d’un défaut rendant le bien impropre à sa destination, le juge doit se prononcer au regard de la garantie des vices cachés (Cass. 3e civ. 30-1-2020 no 18-26.790 F-D : RJDA 6/20 no 303). Le fait que l’acheteur ait, comme en l’espèce, renoncé à cette garantie par une clause de l’acte de vente n’autorise pas le juge à statuer sur un manquement à l’obligation de délivrance, même invoqué à titre subsidiaire.
Il en est de même lorsque le défaut invoqué relève à la fois de la garantie des vices cachés et d’une erreur commise par l’acheteur sur les qualités essentielles du bien vendu (notamment, Cass. 3e civ. 30-11-2017 no 16-24.518 F-D : RJDA 3/18 no 221). En revanche, l’existence d’un vice caché n’interdit pas à l’acheteur de demander l’annulation de la vente pour dol du vendeur (Cass. 1e civ. 6-11-2002 no 00-10.192 P : RJDA 3/03 no 249), solution à notre avis transposable au cas de violence.

Isabelle PECH LAGARDE

Office Notarial Résidence Cap Wilson

81, Boulevard Lazare Carnot 31000 TOULOUSE